A Kinshasa, le verdict des urnes pour les élections sénatoriales est connu depuis ce samedi 20 janvier. Il en ressort que les trois partis ténors de la Transition, supposée finie, ont nettement amélioré leurs résultats par rapport aux élections législatives. En effet, le PPRD de Kabila, le MLC de Bemba et le RCD de Ruberwa raflent 42 sièges sur les 108 en jeu, soit 42% contre 38% aux législatives.
La progression la plus spectaculaire est celle du RCD. Ce parti de Ruberwa, qui n’avait obtenu que 3% aux législatives, voit sa représentativité grimper subitement à 6,50%. Il convient de rappeler par ailleurs que le président de cette formation, M. Azarias Ruberwa n’avait obtenu que 1,7% au premier tour de l’élection présidentielle, ce qui en principe représente son véritable poids. La question que l’on se pose est celle de savoir si cette représentativité va faire un autre bond spectaculaire lors de la nomination des ministres, et plus tard lors de la nomination aux hautes fonctions dans les entreprises d’Etat.
On pourrait en soi ne pas se poser cette question dans la mesure où le RCD comme le PPRD et le MLC sont tous des émanations des seigneurs de guerre. En effet, nul n’ignore que le PPRD est l’héritier de l’AFDL qui a conquis le pays en faisant entrer les rwando-burundo-ugandais dans le bercail. Tout comme le MLC de Bemba a dû laisser l’Uganda piller le pays contre un soutien militaire. Le RCD, dissidence du PPRD, pourrait donc prétendre à une légitimité au moins égale à celle des autres. Seulement, il est difficile d’occulter le fait que le RCD continue à obtenir de soutien du Rwanda qui a sans doute des visées expansionnistes sur le Kivu. Les combats des deux derniers mois dans le Nord-Kivu suffisent à prouver que certaines composantes du RCD ont un agenda caché. Dans ces conditions, il est difficile de soutenir ce parti tant qu’il n’aura pas donné des preuves d’un véritable nationalisme.
L’inflexion démocratique issue des élections sénatoriales amène à se demander si, comme le prévoyaient les accords, la transition de Sun City a vraiment été clôturée avec l’élection à la présidence de Joseph . On serait plutôt tenté de penser que cette transition prend une autre forme, dans la mesure où les ex-belligérants sont en fait d’accord de continuer à partager le pouvoir entre eux (d’autres diraient le gâteau). En sanctionnant lourdement le RCD, les élections législatives directes avaient permis au peuple de donner des indications claires sur la voie à suivre. En ramenant le RCD dans les sphères du pouvoir, les sénatoriales, qui sont des élections indirectes, viennent de corriger la volonté populaire, même si c’est à la marge. Dans les élections indirectes, l’influence des appareils des partis a repris le dessus, complétée dans certains cas par un système de corruption et de menaces.
Est-ce la vraie démocratie que l’on avait promis au peuple, ou s’achemine-t-on vers la démocrature comme certains le craignaient ?