dimanche 21 janvier 2007

Sénatoriales : le RCD, parti de Ruberwa double le résultat de son pourcentage dans la représentation nationale.


A Kinshasa, le verdict des urnes pour les élections sénatoriales est connu depuis ce samedi 20 janvier. Il en ressort que les trois partis ténors de la Transition, supposée finie, ont nettement amélioré leurs résultats par rapport aux élections législatives. En effet, le PPRD de Kabila, le MLC de Bemba et le RCD de Ruberwa raflent 42 sièges sur les 108 en jeu, soit 42% contre 38% aux législatives.

La progression la plus spectaculaire est celle du RCD. Ce parti de Ruberwa, qui n’avait obtenu que 3% aux législatives, voit sa représentativité grimper subitement à 6,50%. Il convient de rappeler par ailleurs que le président de cette formation, M. Azarias Ruberwa n’avait obtenu que 1,7% au premier tour de l’élection présidentielle, ce qui en principe représente son véritable poids. La question que l’on se pose est celle de savoir si cette représentativité va faire un autre bond spectaculaire lors de la nomination des ministres, et plus tard lors de la nomination aux hautes fonctions dans les entreprises d’Etat.

On pourrait en soi ne pas se poser cette question dans la mesure où le RCD comme le PPRD et le MLC sont tous des émanations des seigneurs de guerre. En effet, nul n’ignore que le PPRD est l’héritier de l’AFDL qui a conquis le pays en faisant entrer les rwando-burundo-ugandais dans le bercail. Tout comme le MLC de Bemba a dû laisser l’Uganda piller le pays contre un soutien militaire. Le RCD, dissidence du PPRD, pourrait donc prétendre à une légitimité au moins égale à celle des autres. Seulement, il est difficile d’occulter le fait que le RCD continue à obtenir de soutien du Rwanda qui a sans doute des visées expansionnistes sur le Kivu. Les combats des deux derniers mois dans le Nord-Kivu suffisent à prouver que certaines composantes du RCD ont un agenda caché. Dans ces conditions, il est difficile de soutenir ce parti tant qu’il n’aura pas donné des preuves d’un véritable nationalisme.

L’inflexion démocratique issue des élections sénatoriales amène à se demander si, comme le prévoyaient les accords, la transition de Sun City a vraiment été clôturée avec l’élection à la présidence de Joseph . On serait plutôt tenté de penser que cette transition prend une autre forme, dans la mesure où les ex-belligérants sont en fait d’accord de continuer à partager le pouvoir entre eux (d’autres diraient le gâteau). En sanctionnant lourdement le RCD, les élections législatives directes avaient permis au peuple de donner des indications claires sur la voie à suivre. En ramenant le RCD dans les sphères du pouvoir, les sénatoriales, qui sont des élections indirectes, viennent de corriger la volonté populaire, même si c’est à la marge. Dans les élections indirectes, l’influence des appareils des partis a repris le dessus, complétée dans certains cas par un système de corruption et de menaces.
Est-ce la vraie démocratie que l’on avait promis au peuple, ou s’achemine-t-on vers la démocrature comme certains le craignaient ?

samedi 20 janvier 2007

Nord-Kivu: Les résultats des urnes corrigés par les armes


A Sake, Jomba, Bunagana, Runyoni, et dans d’autres localités du Nord-Kivu où les populations viennent de vivre un cauchemar de près de deux mois, les armes viennent de se taire momentanément. Plusieurs sources indiquent en effet que les négociations voulues et obtenues par le dissident Nkunda, arbitrées par l’Afrique du Sud et son parrain Kagame, appelé parfois aussi KAGOME, viennent d’aboutir à des accords de mixage des troupes et donc de suspension du calvaire des populations prises en otage. Les contreparties acceptées par le président Kabila ne sont toutefois pas énumérées.

Dans ce flou artistique du " je t’aime moins non plus ", les observateurs avisés notent que la toute jeune assemblée provinciale du Nord-Kivu vient d’élire un Tutsi en qualité de sénateur au niveau national. Il s’agit de Mwanga Chuchu, un membre très influent du leadership tutsi à Goma. C’est donc un des quatre heureux élus de la province. Coïncidence ou pas, l’assemblée provinciale de Kinshasa vient d’élire aussi un Tutsi en qualité de sénateur. En effet, c’est Moïse Nyarugabo, actuel ministre du gouvernement de transition qui vient d’être élu, avec 7 autres sénateurs, pour aller représenter dans la haute assemblée, cette mégapole de plus de 8 millions d’habitants. Curieux quand même que dans un pays où 1 seul tutsi a réussi à se faire élire député par la population, on retrouve 2 élus tutsi lorsque les élections sont un arrangement entre les notables et les partis. Ou plus exactement un arrangement entre Kabila, Kagame et l’Afrique du Sud. Bien entendu, quand il s’agira des nominations, on ne peut que s’attendre à une amplification de la correction des urnes. Au moment où ces lignes sont écrites, Gizenga n’a toujours pas annoncé la nomination de son gouvernement, reportée de jour en jour depuis une dizaine de jours. On peut penser qu’il ne s’agit pas d’un hasard si les ministres ne sont pas encore nommés. Il ne serait pas étonnant d’apprendre que le premier ministre congolais attend de savoir quels tutsi et surtout combien il doit intégrer dans le dit gouvernement. Il s'agit, en l'occurence, d'une manière de corriger le suffrage populaire par la volonté dictée par les armes.

Si cela pouvait calmer les appétits et épargner des souffrances inutiles à la population, tout congolais aimant son pays devrait applaudir. Après tout, pourquoi faudrait-il écarter les tutsi congolais de l’exercice du pouvoir. Mais les mêmes observateurs font remarquer que, comme par hasard, les hutu ont vu leur représentation dans l’assemblée provinciale amputée de deux chefs coutumiers. Il s’agit des petits fils de deux bami notoirement connus, Ndeze Rugabo Daniel et Kahembe Bugunda. On a contesté la qualité de chef coutumier à leurs petits fils lors de la procédure de cooptation. Il faut une outrecuidance énorme pour douter ou, pire, contester leur légitimité, ou alors être étranger au pays et ignorer complètement son histoire. Mais il est possible aussi, et même fortement probable qu’il existe un complot visant à faire représenter les hutu par les tutsi comme à l’époque de Mobutu.

Après les élections serait donc égal à avant les éléections, malgré la promesse de Kabila de mettre fin à la recréation. La dictature mobutienne a été remplacée par le chaos, et le chaos est entrain d’être remplacé par la démocrature or qu’on nous avait promis la démocratie. Sous prétexte d’établir la concorde, on continue à récompenser les seigneurs de guerre. Et au Nord-Kivu, ce sont les hutu qui continuent à trinquer.