mardi 5 décembre 2006

Fête à Kinshasa, amertume à Goma

La population du Nord-Kivu continue à payer l’appétit glouton des seigneurs de guerre.

A Kinshasa on prépare la fête, pendant qu’à Goma on digère l’amertume. Gagnant du 2ème tour des élections présidentielles au Congo-Kinshasa, organisé le 29 octobre 2006, Kabila Joseph prête serment ce 6 décembre à Kinshasa. Il a gagné cette élection grâce à la population de l’Est du Congo qui l’a véritablement plébiscité, lui accordant plus de 90% des voix. Elle voyait en lui le pacificateur.

Hélàs, cette population déchante déjà avant même la prestation de serment. En effet, depuis samedi 25 novembre, des affrontements font rage dans la province du Nord Kivu. Selon Médecins Sans Frontières, entre 15.000 et 20.000 personnes ont été, ces derniers jours, déplacées par les combats. Et malgré les négociations secrètes, conduites notamment par Joseph Kabila qui était à Goma ce jeudi 30 novembre, des combats violents se sont poursuivis à Nyanzale, près de Rutshuru. Ce matin du 5 novembre, c’est à Bunagana que d’autres combats sont signalés. La ville de Bunagana, située à la frontière avec l’Uganda et le Rwanda, les deux principaux soutiens des Tutsis qui contestent le pouvoir de Kinshasa est ainsi attaquée une troisième fois.

L’indifférence des médias se comprendrait si ces combats n’opposaient que des forces armées entre elles. Or comme on le sait, c’est toujours la population civile qui paie un très lourd tribut : déplacements massifs, exactions, viols de femmes, assassinats ciblés des leaders d’opinion. Ne pas dénoncer ces violences constituent une complicité de crime contre l’humanité.Les combats actuels sont dirigés, comme les deux précédents (d’abord Kanyabayonga en décembre 2004, ensuite Rutshuru en janvier 2006) par le général déchu Nkundabatware. La déchéance de ce général et la délivrance d’un mandat d’arrêt international à son encontre avait été consécutives à l’attaque qu’il avait mené à Bukavu, en mai-juin 2004, en appui à son frère d’armes tutsi, le colonel Mutebusi.

Il justifie ses combats par la nécessité de protéger ses frères tutsis qui, minoritaires, seraient toujours victimes d’exactions de toute sorte de la part des autres tribus du Kivu ainsi que du pouvoir de Kinshasa. Afin de se donner une plus large assise, il a créé le concept de Rwandophonie englobant les tutsi et les hutu congolais qui devraient, selon lui, mener le même combat. Les hutus congolais qui ne partagent pas cette analyse sont systématiquement traités de Interahamwe ou génocidaire, en référence au génocide du Rwanda. Ainsi, par peur de liquidation physique, quelques militaires hutus congolais qui relevaient de son commandement l’ont suivi dans la rébellion. Ce n’est qu’au fur et à mesure que les plus vaillants d’entre eux se sont afranchi de la peur et ont choisi de rejoindre le camp loyaliste.

Au grand étonnement de la plupart des observateurs, ces militaires hutu congolais qui ont rejoint les forces loyalistes sont progressivement relevé de leur commandement alors qu’ils étaient entrain de repousser les mutins de Nkundabatware dans leurs deniers retranchements. Ces mêmes observateurs relèvent que déjà à Bukavu, le général Mbuza Mabe a été relevé de son commandement après avoir défait Nkundabatware et Mutebusi. Ils notent aussi que lors de l’attaque de Rutshuru, le colonel Kasikila, qui commandait la place, a été relevé de ses fonctions pendant qu’il essayait d’organiser la risposte.

Ces déchéances d’officiers gagnants étonnent plus d’un observateur.

Ces déchéances tendraient à accréditer la thèse selon laquelle Joseph Kabila est loin d’être maître du jeu à l’Est du Congo. Les ficelles continueraient à être toujours tirés par le Rwanda qui, à chaque échéance congolaise importante, organise une attaque du territoire pour pouvoir peser sur les choix faits à kinshasa. L’enjeu actuel est la composition du gouvernement, et la nécessité d’y inclure des tutsi malgré leur défaite aux élections.

Faut-il que la population continue à payer l’appétit glouton des seigneurs de guerre ?

La diaspora des Hutu congolais

Aucun commentaire: